Scrum 2020 : le nouvel évangile ?

Avons-nous vraiment besoin de la version 2020 de Scrum ?

À cette question, la réponse est loin d’être évidente. Nabil Berkous considère Scrum 2020 comme un « non-évènement » et s’étonne même de l’agitation qu’a entraînée sa publication : « Les différentes versions ont uniquement servi à préciser des évidences. Je ne vois rien de différent avec ce que j’ai enseigné dans mes formations depuis 4 ou 5 ans. Changer le vocabulaire est néanmoins une bonne idée. »

Pour David Laizé, cette nouvelle mouture répond avant tout à une nécessité marketing : « Ils avaient besoin de répondre à d’autres frameworks, de rester dans la place. Mais tout n’est pas à jeter, à commencer par la simplification. »

Selon Jean-Pierre Lambert, les bénéfices de Scrum 2020 sont à voir sous un autre angle : « Cela ne va pas changer la vie des praticiens, mais la vie des coachs agiles, oui. Dans les versions précédentes, on devait lire beaucoup d’éléments entre les lignes, désormais, tout est dans le texte, point barre. Je résumerais Scrum 2020 comme une seule manière de procéder : en mode produit. »

Le Lean et le Product Goal 

Par touches, Scrum 2020 apporte des différences notables, à commencer par l’absence du terme agilité. Pour Nabil, c’est une excellente nouvelle : « Dans tous les cas, l’agilité c’est du lean avec la collaboration du client pour créer le produit, ou dit autrement : du lean porté à l’échelle de la valeur : on doit réduire le déchet, soit ce que l’on produit et qui n’a pas été absorbé ». Dans le même temps, pas question pour lui que cela justifie d’autres aspects, comme « le fait d’ajouter à cela le Product Goal … alors que le Sprint Goal n’est pas encore appliqué correctement, c’est illogique ! » 

Jean-Pierre Lambert n’est pas aussi catégorique, sachant que les coachs agiles ont compris qu’au lieu « de créer un User Story Map, on fait d’abord un User Produit, ce qui change fondamentalement les choses. Donc pour moi, cela va dans le bon sens. »

En plaçant les deux en balance, David Laizé y voit aussi le rôle dévolu à chacun : « S’il faut choisir, la vision du produit est la plus importante, je suis par conséquent heureux que cela apparaisse. Mais cela met le doigt là où ça fait mal en France : on considère le Scrum Master comme un chef de projet. Or le développeur qui a le rôle de Scrum Master, il n’a aucun levier ! »  Ce à quoi Nabil Berkous répond : « Depuis toujours le Scrum Master doit amener l’équipe à son plus haut degré de productivité, de transparence, mais il n’en est pas responsable... » 

Scrum 2020 peut-il fonctionner dans toute taille de structure ?

Pour que la méthodologie Scrum fonctionne, faut-il que toute l’entreprise soit impliquée, ou a minima en accord avec ce choix, ou est-ce qu’il suffirait qu'une partie de l'entreprise accepte ? Mais, dans ce cas, comment opérer dans une énorme organisation où il y a 3000 personnes ? 

Nabil Berkous y voit un phénomène naturel : « Tout est émergence ! Une entreprise commence toujours par deux ou trois copains qui parlent de Scrum et cela prend par contagion et la multiplication de ces expériences. En revanche, pas question de penser que dans une entreprise 1500 personnes, il faut stopper tous les process en cours pour passer au Scrum ». 

David Laizé considère quant à lui que l'utilisation du cercle vertueux reste une très bonne approche pour diffuser de l'agilité : « Cela me fait penser à une anecdote de Jeff Sutherland. Il raconte que lors d’un premier test de Scrum, il est allé dans une banque en demandant qu’on lui envoie les collaborateurs les moins performants. Ce qui, avec son test, a fini par inverser les choses ».

Que faudrait-il ajouter à cette version ?

Avant de devoir ajouter un élément à Scrum 2020, la plupart des coachs agiles aimeraient surtout que les équipes prennent la méthode dans son ensemble, et non quelques morceaux au gré de leurs besoins.

Cela étant précisé, Jean-Pierre Lambert trouve qu’il manque peut-être un rôle qui devrait être formalisé dans la méthodologie, les stakeholders : « Les parties prenantes ont un vrai rôle à jouer et cela doit être réciproque ».
Le débat n’est donc pas prêt de s’achever, au moins jusqu’à la sortie de la prochaine version de Scrum !